Préface de 'Aviation, école de l'homme'

« Voler » !... « la meilleure ou  la pire des choses », comme aurait dit Esope !
« Voler » !... ce cri, cette aspiration, cette fascination de la jeunesse qui vient !
Le directeur de cette Collection me demande une Préface à ce bel ouvrage qui, de la première à la dernière ligne, sait si bien retenir l’attention intéressée du lecteur.
Bien peu qualifié pour écrire, je l’ai peut-être été davantage pour « voler ». Et c’est pourquoi j’ai accepté, ne serait-ce que pour prouver, par ma petite expérience, que cette attirance –presque magnétique- qu’exerce l’aviation sur tant d’êtres de notre époque, n’a jamais déçu ceux qui se sont donnés à elle avec flamme.
Enfants, jeunes hommes et vous parents qui allez lire ces pages, vous comprendrez mieux cet idéal et vous concevrez davantage le désir de ceux qui brûlent d’embrasser la prodigieuse carrières des ailes.
« Voler », au sens actuel du mot, n’est-ce pas réaliser une synthèse dont aucune autre action humaine n’offre le parallèle exact ?
« Voler », n’est-ce pas ressentir des impressions imprévues et inoubliables, que quiconque ne peut imaginer s’il ne les a pas vécues ?
Un sport qui a pris, ces dernières années, un développement considérable est le ski, qui peut, semble-t-il, se comparer, par les joies qu’il procure, à l’aviation.
Sur deux lattes de bois fartées, le skieur s’élance sur le flanc d’une montagne, glissant à des vitesses vertigineuses, sur une poudre blanche, dans un décor de féérie.
Il est seul, il paraît être son maître, puisqu’il se dirige lui-même à travers deux dimensions ? Pourtant, il reste sur le sol… il doit éviter un arbre, se méfier d’un ravin, ne pas percuter contre cet autre skieur qui descend moins vite devant lui : en un mot, il n’est pas réellement son maître absolu. 
Dans son avion, au contraire, le pilote –comme le marin- est maître à bord après Dieu.
Et, comme l’écrit l’auteur : « Il s’affranchit un moment des banalités de la vie en empruntant ces routes invisibles que la nature semblait réserver aux seules créatures ailées… »
Il se sent presque grandiose, surnaturel…
La haute école aérienne représente,, à cause de cela, une des plus grandes et une des plus pénétrantes jouissances de l’aviation.
Cet enivrant plaisir que procure au pilote la liberté totale d’évolution dans les trois dimensions qui est son partage, bien des auteurs l’ont chanté. L’aviation ne se limite pas, toutefois, aux joies du vol. Fait nouveau dans la civilisation, d’une incalculable portée, elle a commencé déjà de marquer puissamment l’époque de son empreinte dans maints domaines. Car l’apport au patrimoine humain de l’engin qui vole s’avère multiple et fécond, et il importait d’en tenter la synthèse.
Cet essai n’avait pas été entrepris jusqu’ici, et ce nouveau volume de Présences comble une lacune. Pour cette tâche, il fallait un homme qui fût à même d’apporter un témoignage personnel et direct. Esprit éclectique, formé dès l’enfance à de strictes disciplines intellectuelles et physiques, Monsieur de Marolles est de ceux qui peuvent goûter avec la même intensité l’élégance d’une harmonieuse démonstration mathématique ou la joie d’un effort musculaire ardu, le charme d’une belle page littéraire ou le plaisir d’un vol audacieusement conduit.
Aussi, a-t-il su réunir dans ces pages une somme d’observations et de réflexions que seule une longue et diverse expérience personnelle des choses de l’air pouvait permettre de rassembler. Ce que, dans ses multiples domaines, l’aviation offre à l’humanité, l’auteur l’a vécu depuis bientôt un quart de siècle, en observateur à l’attention toujours en éveil, et prompte à dégager des faits leurs substance philosophique.
Aussi peut-il avec la même sincérité évocatrice entraîner le lecteur de l’aérodrome au bureau d’études ou de l’atelier au creux des nuages.
Toutes ces impressions, admirablement décrites dans ce livre, feront aimer, comme il se doit, cette magnifique carrière, pleine d’inconnu, de nouveauté et de ressources.
Bientôt, j’en suis certain, il y aura des familles d’aviateurs comme il y des familles de marins.
De père en fils, on se transmettra cette devise : « Voler ! »

- Michel DETROYAT -
Transcription : Sophie Détroyat