La 4e Coupe Deutsch de la Meurthe promettait beaucoup et elle a donné lieu, finalement, à une course assez décevante dans l’ensemble. Trois appareils seulement avaient été qualifiés. Ils composaient une même équipe avec Delmotte, Arnoux et Lacombe.
Delmotte a gagné en 1935 avec 443 km/h 965 de moyenne ; Arnoux a triomphé en 1934 avec 389 km/h et Lacombe est sorti victorieux de la compétition de 1936 avec 389 km/h462.
Les trois pilotes de l’équipe Caudron ont donc inscrit chacun leur nom au palmarès de la Coupe Deutsch de la Meurthe.
La mise au point des matériels avait offert certaines difficultés, surtout en raison des troubles que subit actuellement l’industrie française. Deux appareils de l’an dernier, deux Caudron C-400 –le troisième a été confié à Michel Détroyat- ont été transformés. Les ailes de 1935 ont été conservées et les fuselages ont été remplacés par es fuselages au profil plus fin, offrant moins de résistance à l’avancement.
Or, l’avion Caudron-C450, mené à la victoire, en 1934, par Arnoux, a de nouveau franchi en tête la ligne d’arrivée.
Il est curieux de constater que, en 1934, Arnoux a surclassé ses concurrents avec une vitesse de 389 kilomètres/heure, et que, deux ans plus tard, en 1936, Lacombe a réussi finalement la même moyenne, exactement 389 km/h462. Nous allons voir que la performance d’Yves Lacombe est supérieure à ce qu’elle paraît.
Au cours de la première manche de 1 000 kilomètres (10 tours de circuit triangulaire de 100 kilomètres, Etampes-Chartres-Boncé-Etampes), Delmotte s’est montré, à la fin de la matinée de dimanche, le plus rapide. A mi-course, Arnoux engagea un match avec lui. Cette lutte fratricide s’est terminée à l’avantage d’Arnoux : Delmotte a été contraint d’abandonner la ronde au cours du 7ème tour, à la suite de la rupture d’une pipe d’échappement (les gaz d’échappement du sixième cylindre avaient porté à une température très élevée l’huile contenue dans le réservoir). Tandis qu’Arnoux et Delmotte engageaient une vraie bataille pour prendre le commandement, Lacombe, avec une très grande régularité, se maintenait en troisième position, à la vitesse moyenne de 404 km/h 815.
Dès que Delmotte eut rejoint la terre ferme, Arnoux, certain de terminer, réduisit les gaz et il se contenta de réaliser une vitesse moyenne de 414 km/h 543 sur les 1 000 kilomètres.
A la vérité, cette première manche fut extrêmement intéressante, parce qu’illustrée par le vol rapide de Delmotte et l’acharnement d’Arnoux à ne pas vouloir se laisser distancer par celui qui, l’an dernier, avait été à l’honneur ; par ailleurs, nous avions beaucoup goûté l’esprit méthodique de Lacombe.
Lacombe a réalisé une performance supérieure à celle qu’Arnoux avait accomplie en s’appropriant, la semaine dernière, le record de vitesse sur 1 000 kilomètres des avions légers multiplace de 560 kilos ; Lacombe, en monoplace, 404 km/h 815 ; Arnoux, en biplace avec une passagère, 400 km/h 294.
Le classement de la première manche est établi ainsi :
- Arnoux 2 h 24’ 44’’ (moyenne 414 km/h 546, avion Caudron C.400- moteur Renault 350 CV à compresseur, hélice à pas variable, train d’atterrissage escamotable et dispositifs hypersustentateurs).
- Lacombe 2 h 28’ (moyenne 404 km/h 815, avion Caudron C.450, moteur Renault 350 CV à compresseur, hélice à pas variable et dispositifs hypersustentateurs).
L’abandon de Delmotte a été suivi de deux autres évènements, l’après-midi, pour la seconde manche de 1 000 kilomètres : l’hélice à pas variable de Lacombe n’a pas fonctionné normalement pour la mise en route et son pilote a perdu une dizaine de minutes. Quant à Arnoux, il a perdu trente-deux minutes par la mise hors d’usage du démarreur. Ces deux longs retards simultanés ont fait baisser considérablement les moyennes calculées officiellement par les chronométreurs, puisque les deux avions ont été considérés en course à partir du moment où le starter abaissa son drapeau.
Cette deuxième manche fut, à la vérité, dénuée d’intérêt pour les spectateurs, alors que, pour tous ceux qui se sont attachés à enregistrer une à une les performances des deux avions, le rendement a été extrêmement régulier, sans être évidemment éblouissant, puisque les moyennes sont nettement supérieures à celles de l’an dernier.
Avec son avion plus rapide que celui de Lacombe, Arnoux a volé une vitesse plus élevée que celle de Lacombe, mais qui n’excédait pas 1 ou 2 km/h par tour. Lacombe s’est maintenu à une vitesse toujours supérieure à 400 km/h et allant jusqu’à 411 km/h 898 pour le dixième tour de cette seconde manche. Arnoux n’est jamais non plus descendu au-dessous de 405 km/h. Il a frisé les 412 km/h : 411 km/h 898.
Mais, si nous retenons la vitesse moyenne réelle de Lacombe et d’Arnoux, c’est—dire une vitesse de l’ordre de 407 km/h, nous constatons que, en 1936, la vitesse obtenue par les concurrents est inférieure de 23 km/h, à la vitesse de 1935. A quoi cela tient-il ? A une mise eau point de matériel et plus particulièrement des moteurs qui n’a pu être effectuée complètement au cours de ces derniers jours ni de ces dernières heures.
L’absence de concurrents incitera-t-elle l’Aéro-Club de France à ne pas mettre en compétition la Coupe Deutsch de la Meurthe en 1937 ? Ce serait une erreur, car il faut soutenir l’effort accompli qui a permis à Détroyat de remporter trois succès retentissants aux Etats-Unis, succès qui classe notre aviation de course au premier rang, malgré le pseudo échec de dimanche à Etampes.
R. PEYRONNET DE TORRES
Source : Sébastien Détroyat, Transcription : Sophie Détroyat